Origine de Villeneuve de Berg

Villeneuve de Berg, Bastide Royale

Peu de localités peuvent comme Villeneuve de Berg dater avec précision leur origine. La Bastide royale est née les 12 (pose des 2 premières pierres) et 25 novembre 1284, lorsque l’abbé Falcon de Mazan et le Sénéchal de Beaucaire, représentant le roi de France Philippe III le Hardi, signent une charte de paréage.

 Les moines cisterciens ont, vers 1120, créé une abbaye à Mazan, sur le plateau ardéchois. A la fin du XIIème siècle, ils fondent une grange en Pays de Berg, à quelques kilomètres au S.E du bourg actuel, site favorable pour l’hivernage de leurs troupeaux de moutons. Mais ils se heurtent, à cause de la rareté des points d’eau, à l’hostilité des paysans-éleveurs de St Andéol de Berg. En 1280, la grange est pillée et un moine est tué. Le roi Philippe III le Hardi, propose alors aux Cisterciens sa protection armée, ce qui lui permet de s’implanter en Vivarais et de porter la frontière du Royaume de France sur le Rhône, le Vivarais étant à cette époque, terre d’Empire.

 La charte de paréage se concrétise par la fondation d’une Ville Neuve en coseigneurie. Le blason de la ville, porte une crosse et 3 fleurs de lys. Les Cisterciens fournissent le terrain, en position défensive sur le rebord du plateau. Droits et devoirs du roi, de l’abbé et des futurs habitants de la bastide sont précisés dans les 23 articles de la charte. Frais de construction, bénéfices, exercice du pouvoir et de la justice sont partagés à égalité entre les 2 coseigneurs. Pour favoriser le peuplement de la ville nouvelle, des privilèges sont accordés aux habitants : protection royale, exemption des impôts, limitation de l’ost à la sénéchaussée de Beaucaire, terrains communautaires (le Devois) pour les troupeaux.

 En 1286, une convention est signée pour doter la ville d’une église, qui sera terminée dans le 1er quart du XIVème siècle et dédiée à Saint Louis. En attendant, les Bénédictins de Cruas desservent l’église du hameau de Tournon, la règle suivie par les Cisterciens leur interdisant le service d’une paroisse.

 Le fort rectangulaire de 60x45m est d’abord construit (actuel quartier de l’église) avec 4 tours d’angle (dont le clocher donjon) et une seule porte fortifiée. La bastide elle-même, bâtie au cours du XIVème, se caractérise par le tracé géométrique de ses rues et par un réseau d’égouts qui se déversent en contrebas du Barry, dans les jardins de l’hôpital des « pauvres », situé extra-muros et mentionné dès 1335. La ville se dote de constructions à usage collectif : le four banal (rue du Four), le pressoir banal (rue du Tinal), la maison du Roy (mairie actuelle), dont les sous-sols sont occupés par les prisons et qui a été remaniée sous Louis XIV. Devant la maison commune, se situent un puits et l’affichage des mesures officielles pour le grain. Chaque maison possède un puits ou une citerne pour recueillir les eaux de pluie, elles ont aussi des caves aux voûtes superbes. La ville est enserrée dans un trapèze de remparts (130x180m, dans ses plus grandes dimensions), qui sont surélevés (6m de haut) à la fin du XIVème, à cause de l’insécurité due à la guerre de Cent ans. Un chemin de ronde et une tour carrée. A l’emplacement de l’actuel Barry, est creusé un valla ou fossé que l’on peut remplir d’eau.

Quatre portes fortifiées s’ouvrent dans les remparts, qui ont, aujourd’hui, à peu près disparus, intégrés dans les bâtiments ou démolis (la pierre de pays utilisée est gélive, elle s’effrite). Seule la porte de guerre ou porte de l’hôpital (classée M.H), subsiste, surmontée d’une tour carrée, elle a conservé ses défenses : corbeaux ayant supportés des mâchicoulis, meurtrières, gonds et saignée de la herse. Le gibet, situé d’après la tradition sur la colline de Montloubier, est mentionné dès 1335. Plusieurs moulins sont signalés au cours du XIVème sur les bords de la Claduègne et de l’Ibie, ainsi qu’un moulin à vent à Chantelauze.

 La ville se peuple d’artisans, de commerçants (Porte du Mazel), mais aussi de notables : médecins, hommes de loi, notaires, officiers royaux. Elle s’agrandit à partir du XVIème, hors des remparts où se situent les faubourgs paysans.

 Quel sera le destin de la bastide royale ? Villeneuve de Berg, patrie de 3 protestants célèbres, Olivier de Serres (1539-1619), Jean de Serres (1540-1598) et Antoine Court (1695-1760), ce dernier jouera un rôle important au cours des guerres de religion. La ville connaîtra ses grandes heures au XVIIIème siècle en tant que capitale administrative et judiciaire du Bas-Vivarais, siège d’une  Maitrise des Eaux et Forêts (créée en 1670), et d’une sénéchaussée (créée en 1781). Les façades des beaux hôtels particuliers témoignent que Villeneuve est alors une ville de magistrats, des robins et d’officiers royaux. Au printemps 1789, les électeurs des trois ordres éliront à Villeneuve de Berg, les députés du Bas-Vivarais qui seront envoyés aux Etats généraux à Versailles. En Septembre 1790, Privas sera choisie, comme chef-lieu du nouveau département de l’Ardèche. Villeneuve , déchue de son rang de capitale par le Révolution, restera désormais et jusqu’à nos jours un chef-lieu de canton rural.

 

                                                       BIBLIOGRAPHIE

Abbé Mollier : Recherches historiques sur Villeneuve de Berg. Aubanel Avignon 1866, réédition 1992 par Res.Universalis.

Albert Grimaud : Histoire de Villeneuve de Berg, ancienne bastide royale. Habauzit Aubenas 1942.

Auguste Jouret : Villeneuve en Vivarais et alentours S.I Villeneuve 1967.

Maurice Boulle et collectif : Les grandes heures du bailliage et de la sénéchaussée du Bas-Vivarais. Numéro spécial Revue des Enfants et Amis de Villeneuve de Berg. 1984.

Revue du Vivarais : Janvier-Juin 1999 (l’ordre de Cîteaux en Vivarais 1098-1998),

Maurice Boulle : Les Cisterciens et la fondation de Villeneuve de Berg en 1284, pages 125 à 138